
Il y a encore quelques années, afficher des « valeurs d’entreprise » sur un site web ou dans l’espace cafétéria suffisait à cocher une case en communication interne. Mais aujourd’hui, collaborateurs, candidats, partenaires et même clients attendent autre chose qu’un discours plaqué. Ils veulent des preuves.
La culture d’entreprise n’est plus un supplément d’âme : elle est devenue un indicateur de confiance, de cohérence, de responsabilité. Elle façonne les décisions managériales, influence la fidélité des salariés, pèse sur l’attractivité, et conditionne la réputation. Elle est visible dans la manière dont les recrutements sont menés, les conflits traités, les erreurs gérées, la parole donnée (ou non).
Mais entre les intentions affichées et les pratiques réelles, le fossé est parfois large. Et ce décalage peut même avoir un effet boomerang. L’article « Plafond de verre : comment les entreprises peuvent agir concrètement » le rappelle clairement : il ne suffit pas de dire qu’on est inclusif, équitable ou bienveillant. Encore faut-il que les actes suivent. Sans quoi la confiance s’effrite — parfois durablement.
Culture et valeurs : de quoi parle-t-on vraiment ?
La culture d’entreprise n’est pas un slogan. C’est l’ensemble des comportements, habitudes, codes implicites, décisions et rites qui façonnent la vie collective au quotidien.
Quant aux valeurs, elles ne se décrètent pas. Elles s’observent. Elles se vivent. Et elles se vérifient.
Dire que l’on valorise l’écoute, par exemple, implique que l’on :
- organise de vrais espaces de feedback ;
- accepte la contradiction ;
- transforme les retours en décisions visibles.
Dire que l’on valorise l’équité implique que l’on :
- revoit ses processus de promotion ;
- interroge les écarts salariaux réels ;
- agit face aux discriminations systémiques.
Dans le cas contraire, les valeurs deviennent des coquilles vides. Et cela crée de la défiance, parfois du cynisme.
Ce que les collaborateurs attendent vraiment
Dans les enquêtes internes, les collaborateurs ne demandent pas des posters inspirants ni des discours sur la bienveillance. Ils veulent :
- comprendre à quoi sert leur travail ;
- être traités avec équité, respect et écoute ;
- avoir une visibilité sur les décisions ;
- évoluer dans un environnement cohérent, dans lequel les règles s’appliquent à tous.
Ils veulent que ce qu’on leur dit… corresponde à ce qu’ils vivent.
C’est cette exigence d’alignement qui pousse aujourd’hui les RH à revisiter leur rôle culturel : plus que jamais, ils sont garants du lien entre discours stratégique et expérience vécue.
Les moments de vérité de la culture d’entreprise
Une culture ne se révèle pas dans les présentations PowerPoint. Elle s’observe dans des moments ordinaires… ou critiques :
- Comment une erreur est-elle traitée ?
- Que se passe-t-il quand une personne toxique est performante ?
- Comment réagit-on à une demande de congé sabbatique, à un conflit interéquipe, à une volonté de mobilité ?
- Qui accède aux postes clés ? Avec quelles trajectoires ?
C’est dans ces « moments de vérité » que la culture se joue. Et que les écarts deviennent visibles.
Culture et plafond de verre : le révélateur silencieux
La question du plafond de verre, abordée dans l’article mentionné plus haut, est une excellente illustration du décalage fréquent entre valeurs affichées et pratiques réelles. De nombreuses entreprises se disent engagées pour l’égalité femmes-hommes, mais dans les faits :
- les postes à responsabilité restent majoritairement masculins ;
- les femmes sont moins promues, moins augmentées à compétence égale ;
- les biais de genre persistent dans les feedbacks, les recrutements, les évaluations.
Autrement dit, l’invisibilité du plafond de verre est le symptôme d’une culture non questionnée.
Travailler sa culture, c’est donc aussi accepter de remettre en cause ses angles morts, ses automatismes, ses non-dits.
Comment renforcer une culture d’entreprise alignée et vécue
Voici quelques leviers concrets pour que la culture ne reste pas qu’un mot :
- Interroger le réel
Mener un audit culturel, anonymisé, croisé (collaborateurs, managers, dirigeants) pour identifier les écarts entre discours et expérience. - Traduire les valeurs en comportements observables
Par exemple, « la responsabilité » = « on ne cherche pas de coupable quand un projet dérape, on cherche des solutions ». - Faire de la culture un sujet managérial
Former les managers à la posture culturelle : celle qui garantit cohérence, exemplarité, prise en compte du terrain. - Mettre à jour les rituels RH
Si vos entretiens d’évaluation ne tiennent aucun compte des valeurs de l’entreprise, il y a un angle mort. Même chose pour les parcours d’intégration ou les critères de promotion. - Communiquer sur les paradoxes
Reconnaître que certaines valeurs sont encore “en travail” est plus crédible que de prétendre à une exemplarité totale.
En conclusion
La culture d’entreprise n’est pas un habillage. C’est un pilier invisible, mais structurant. Elle influence tout : la manière de recruter, de manager, de trancher, de célébrer, de réparer.
Travailler sa culture, c’est accepter de se confronter à ses incohérences. C’est aussi renforcer la cohésion interne, la confiance, l’attractivité, et la résilience de l’organisation.