Pourquoi les indicateurs RH ne suffisent pas sans narration ?

Les tableaux de bord RH se sont généralisés. Effectifs, absentéisme, turn-over, taux de rétention, coût par recrutement, écarts de salaire… Chaque mois, voire chaque semaine, les équipes RH compilent et analysent des indicateurs RH supposés refléter la santé sociale de l’entreprise.

Mais ces chiffres, à eux seuls, ne disent pas tout. Pire : mal interprétés ou déconnectés du réel, ils peuvent conduire à de mauvaises décisions. Le pilotage RH ne doit pas se limiter à cocher des cases ou à remplir des dashboards. Il doit s’ancrer dans le vécu des collaborateurs, les trajectoires humaines, les signaux faibles. Et cela passe par la narration.

Sans narration, les indicateurs RH deviennent de simples données. Avec narration, ils deviennent des leviers.

Ce que les indicateurs ne disent pas… mais que les RH doivent entendre

Prenons un exemple : vous mesurez un taux de turn-over de 18 % sur une population de jeunes embauchés. Factuellement, vous savez que près d’un salarié sur cinq quitte l’entreprise avant 12 mois. Mais pourquoi ?

Un onboarding raté ? Une promesse non tenue ? Une culture d’entreprise mal perçue ? Un manager trop directif ?
Aucune colonne Excel ne vous le dira.

Ce décalage entre le chiffre et l’expérience vécue est particulièrement visible avec les jeunes générations. L’article Génération Z et travail : quelles attentes salariales en 2025 ? illustre bien ce point : les jeunes collaborateurs attendent plus qu’un salaire. Ils veulent de la transparence, de l’utilité, un bon équilibre de vie, des perspectives claires. Si ces dimensions ne sont pas prises en compte dans l’analyse RH, les indicateurs perdent leur sens.

Un bon indicateur RH est donc un point de départ, pas une finalité. Il doit ouvrir la voie à une enquête, un échange, une co-interprétation avec les équipes. Il doit surtout être raconté, contextualisé, enrichi.

La narration RH, c’est quoi exactement ?

Ce n’est pas raconter des histoires pour enjoliver la réalité. C’est relier les chiffres à des récits humains. Traduire les données en situations vécues. Donner du sens à des tendances statistiques.

Cela passe par :

  • des verbatims de collaborateurs
  • des retours d’entretiens de départ
  • des retours managériaux contextualisés
  • des récits de parcours internes (ceux qui partent, ceux qui restent, pourquoi ?)

Narration ne veut pas dire subjectivité. Elle permet d’ajouter du qualitatif au quantitatif, pour avoir une lecture complète.

Quand la narration devient stratégique

Les indicateurs sont souvent présentés à la direction pour faire état de la performance RH. Mais un taux d’absentéisme, un score d’engagement ou un volume de candidatures ne suffisent pas à définir une politique.

Par exemple :

  • Un bon taux de mobilité peut cacher un effet de fuite interne
  • Un bon taux de satisfaction à chaud après formation ne garantit pas l’impact réel
  • Un faible taux d’absentéisme peut être le signe d’un présentéisme subi

C’est la narration qui permet d’anticiper, de corriger ou de nuancer une tendance.

Elle est aussi essentielle pour dialoguer avec les parties prenantes :

  • La direction attend des insights, pas seulement des chiffres
  • Les managers ont besoin de comprendre pour agir
  • Les IRP veulent du concret pour représenter

La narration RH devient ainsi un outil de pilotage partagé, plus mature, plus transversal.

Comment intégrer la narration dans vos reportings RH

Croisez les sources : chiffres + retours terrain + analyse RH
Ajoutez des verbatims dans vos rapports pour illustrer une tendance
Structurez vos restitutions autour d’un fil narratif (ex : “ce que les données disent / ce que cela révèle / ce que l’on fait”)
Construisez une boucle d’écoute continue, à chaque indicateur stratégique (ex : enquête flash, baromètre qualitatif, entretiens RH ciblés)
Co-interprétez les chiffres avec les managers : cela enrichit leur engagement et donne du sens à l’action RH

En conclusion

Les indicateurs RH sont indispensables pour structurer le pilotage des ressources humaines. Mais ils ne sont pas suffisants. Dans un environnement complexe, mouvant, intergénérationnel, l’interprétation des données RH devient un acte stratégique. Et cela nécessite un supplément d’âme, de finesse, d’écoute.

Narration et data ne s’opposent pas : elles se complètent. C’est en racontant mieux les chiffres que l’on recrée du lien entre le pilotage RH et la réalité du terrain.